Les géants tech parient sur le nucléaire pour alimenter l'IA

L'engagement historique signé le 12 mars 2025 marque un virage stratégique majeur pour l'industrie technologique. Amazon, Google et Meta s'unissent pour tripler la capacité nucléaire mondiale d'ici 2050, dans un contexte où l'intelligence artificielle dévore toujours plus d'énergie.
Un pacte énergétique sans précédent
C'est lors de la conférence CERAWeek à Houston que le "Large Energy Users Pledge" a officiellement vu le jour. Cette initiative, facilitée par l'Association nucléaire mondiale, rassemble des acteurs majeurs comme Amazon, Google et Meta, mais aussi des industriels comme Dow, Occidental, Allseas, OSGE et IHI.
Fait marquant : c'est la première fois que des entreprises majeures extérieures au secteur nucléaire s'engagent publiquement pour soutenir son expansion à l'échelle mondiale. Cette alliance tech-nucléaire prolonge l'engagement pris par plus de 30 pays lors de la COP28 à Dubaï en 2023, également soutenu par 14 institutions financières influentes incluant Bank of America, BNP Paribas et Goldman Sachs.
L'IA, gourmande insatiable en électricité
Les motivations de ce virage stratégique sont claires : l'explosion des besoins énergétiques liés au développement de l'IA générative et à la multiplication des centres de données. Google enregistre déjà une hausse annuelle de 20% de sa consommation électrique, tendance qui devrait s'accélérer.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les besoins électriques mondiaux liés à l'IA et aux cryptomonnaies pourraient bondir de 460 térawattheures (TWh) en 2022 à entre 620 et 1050 TWh dès 2026. Et le Forum économique mondial révèle que la puissance de calcul nécessaire à l'IA double environ tous les 100 jours – un rythme de croissance inédit pour le secteur énergétique.
À titre de comparaison, une requête sur ChatGPT consommerait déjà dix fois plus d'électricité qu'une recherche classique sur Google, selon l'Agence internationale de l'énergie.
Des investissements massifs et des projets concrets
Les géants tech ne se contentent pas de déclarations d'intention. Amazon fait figure de pionnier avec plus d'un milliard de dollars investis dans l'industrie nucléaire cette dernière année. Le groupe a notamment racheté un centre de données attenant à la centrale nucléaire de Susquehanna, captant jusqu'à 900 mégawatts sur les 2,5 gigawatts produits.
Google, de son côté, s'est associé à Kairos Power pour développer des petits réacteurs modulaires (PRM) capables de produire 500 mégawatts à partir de 2035. Meta a quant à lui émis un appel d'offres pour 1 à 4 gigawatts de nouveaux projets nucléaires devant entrer en service dans les années 2030.
Un complément aux énergies renouvelables, pas une alternative
Pourquoi ce revirement stratégique après des années d'investissements massifs dans l'éolien et le solaire ? Brandon Oyer d'Amazon Web Services l'explique sans détour : "L'accélération du développement de l'énergie nucléaire sera essentielle pour renforcer la sécurité de notre nation, répondre aux futures demandes énergétiques et lutter contre le changement climatique."
Amazon précise que ses "projets d'énergie éolienne et solaire, qui dépendent des conditions météorologiques pour générer de l'énergie, doivent être complétés par d'autres sources d'énergie propre et décarbonée". Le nucléaire offre cette stabilité recherchée, avec une production 24h/24, indépendamment des aléas météorologiques.
Des défis majeurs encore à surmonter
Ce tournant n'est pas sans obstacles. Sur le plan environnemental, les centrales nucléaires restent vulnérables aux catastrophes naturelles et aux risques d'accidents. La question des déchets toxiques pour des milliers d'années et de la consommation d'eau importante pour le refroidissement soulève également des inquiétudes légitimes.
Sur le plan économique, la viabilité commerciale des nouvelles technologies nucléaires divise. Microsoft et Apple, autres géants tech énergivores, ont d'ailleurs refusé de signer la déclaration. John Ketchum, PDG de NextEra Energy, estime même que la nouvelle énergie nucléaire ne sera pas disponible avant "2035 ou plus tard".
Les perspectives d'avenir
Malgré ces défis, les perspectives d'expansion nucléaire aux États-Unis semblent prometteuses, avec une capacité qui pourrait passer de 100 à 300 GW d'ici 2050, soutenue par des initiatives comme la loi sur la réduction de l'inflation de l'administration Biden.
L'engagement des Big Tech pourrait jouer un rôle catalyseur dans cette expansion, en apportant non seulement des investissements mais aussi une légitimité accrue au nucléaire comme solution à la crise climatique et énergétique.
Sama Bilbao y León, directrice générale de l'Association nucléaire mondiale, résume l'enjeu : "Le virage mondial vers plus de nucléaire met en évidence que c'est la seule façon de fournir l'énergie propre, ferme et abondante nécessaire pour alimenter la croissance et l'innovation technologique."
Une chose est sûre : l'avenir énergétique de l'IA s'écrit désormais aussi avec des atomes.