La 5G privée s'ouvre aux entreprises françaises

L'Arcep lance une consultation décisive sur la bande 3,8-4,2 GHz permettant aux industries de déployer leurs propres réseaux mobiles haute performance.

La 5G privée s'ouvre aux entreprises françaises

L'Arcep vient de lancer une consultation publique pour l'attribution de fréquences dans la bande 3,8-4,2 GHz, marquant un tournant décisif pour les réseaux mobiles professionnels en France. Cette initiative, ouverte jusqu'au 2 juillet 2025, pourrait révolutionner la manière dont les entreprises gèrent leurs infrastructures de communication.

Du réseau public au réseau souverain

La 5G privée n'est pas une simple extension des réseaux publics que nous utilisons quotidiennement. Elle représente un changement de paradigme en permettant aux entreprises de déployer leur propre infrastructure mobile, indépendamment des opérateurs traditionnels.

Cette approche existe depuis 2022 en France, mais uniquement sous forme d'expérimentation. L'Arcep avait alors ouvert un guichet dans la bande 3,8-4,0 GHz, permettant la délivrance de 81 autorisations temporaires à des organisations aussi diverses que des industries, hôpitaux ou collectivités.

Un écosystème technique sur mesure

La bande de fréquences 3,8-4,2 GHz présente des caractéristiques particulièrement adaptées aux besoins industriels. Large de 400 MHz, elle permet d'attribuer des blocs allant de 5 à 100 MHz selon les besoins, offrant ainsi une flexibilité inédite aux entreprises.

Le cadre technique proposé repose sur une approche géographique astucieuse à deux niveaux. Chaque demandeur définit une zone d'autorisation où il dispose de droits exclusifs, protégée par une limite d'émission stricte de 61 dBµV/m/5MHz à sa frontière. Cette zone est entourée d'une zone de coordination plus large, avec émissions limitées à 26 dBµV/m/5MHz, évitant les interférences avec les réseaux voisins.

La synchronisation constitue un défi majeur pour ces réseaux fonctionnant en mode TDD (Time Division Duplex). Contrairement au mode FDD où liaisons montantes et descendantes utilisent des fréquences distinctes, le mode TDD partage la même fréquence entre ces deux liaisons, nécessitant une coordination temporelle précise.

Des applications concrètes déjà identifiées

Les secteurs industriels, de la santé, de l'énergie et les collectivités locales sont les premiers concernés par cette évolution. Leurs besoins spécifiques en termes de sécurité, latence ultra-faible et disponibilité ne peuvent souvent pas être pleinement satisfaits par les réseaux publics.

La SNCF représente un exemple parfait d'application. L'entreprise ferroviaire pourrait déployer son propre réseau 5G pour connecter ses équipements critiques, assurant une maîtrise totale de la sécurité et de la disponibilité. Cette approche ouvre la voie à des applications comme la télémétrie temps réel ou la vidéosurveillance haute définition.

Le projet 5G-mMTC, coordonné par Médiane Système avec l'Université de Versailles, illustre également ce potentiel avec deux cas d'usage emblématiques : le vélo connecté pour la Fédération Française du Cyclisme et la télémétrie pour EDF. Ces projets démontrent comment la 5G privée peut résoudre des problématiques que les technologies sans fil traditionnelles (Wi-Fi, Bluetooth) ne parviennent pas à traiter efficacement.

Une course européenne à l'innovation

La France comble progressivement son retard dans le déploiement de la 5G. Avec 8,2 millions d'utilisateurs actifs fin 2022, soit moins de 10% des cartes SIM utilisées, le marché français présente encore un potentiel de croissance considérable.

Dans le domaine spécifique de la 5G privée, la France compte actuellement une cinquantaine de projets expérimentaux, contre une centaine en Allemagne. Cette différence s'explique notamment par l'approche française qui avait initialement privilégié des licences par grandes zones de 100 km². Le nouveau cadre réglementaire devrait permettre de combler cet écart en offrant plus de flexibilité.

Les grands groupes industriels français commencent déjà à s'approprier cette technologie, avec des projets notables chez ArcelorMittal et Aéroports de Paris. L'association Agurre, qui réunit des acteurs majeurs comme la RATP, SNCF Réseau, Air France, EDF et Sanef, témoigne de l'engagement des grandes entreprises dans cette transition technologique.

Les défis d'une adoption réussie

Déployer un réseau 5G privé ne s'improvise pas. La complexité de l'infrastructure nécessaire, incluant équipements radio, antennes et cœurs de réseau, représente un défi technique considérable.

Les exigences imposées par l'Arcep sont également strictes : disponibilité réseau de 99,9% et résilience en cas de crise. Ces contraintes nécessitent une approche professionnelle du déploiement et de la maintenance, ce qui peut représenter un obstacle pour les entreprises moins familières avec ces technologies.

La gestion de la synchronisation entre réseaux adjacents constitue un autre défi majeur, particulièrement dans les environnements denses où plusieurs réseaux privés pourraient coexister. Les recommandations de la GSMA suggèrent l'adoption de structures de trame communes et de références de synchronisation partagées pour optimiser cette coexistence.

Une étape clé pour l'industrie française

La consultation publique de l'Arcep marque une étape cruciale dans le développement de la 5G privée en France. En proposant un cadre réglementaire flexible et techniquement robuste, l'autorité française se positionne comme facilitateur de l'innovation industrielle.