Google parie sur la fusion nucléaire pour alimenter ses data centers
Google signe le premier contrat commercial d'énergie de fusion nucléaire pour alimenter ses data centers en Virginie et investit dans cette technologie d'avenir.
Google vient de signer le premier contrat commercial d'approvisionnement en électricité issue de la fusion nucléaire. Ce partenariat historique avec Commonwealth Fusion Systems (CFS) vise à fournir 200 mégawatts d'énergie aux futurs data centers du géant technologique en Virginie.
De l'étoile au data center
Depuis des décennies, la fusion nucléaire représente le Graal énergétique: reproduire sur Terre la réaction qui alimente notre Soleil. Contrairement à la fission nucléaire conventionnelle qui fragmente des noyaux lourds, la fusion combine des atomes légers d'hydrogène pour créer de l'hélium, libérant une quantité phénoménale d'énergie sans produire de déchets radioactifs à longue durée de vie.
Ce procédé, qui semblait relever davantage de la science-fiction que de l'industrie, franchit aujourd'hui une étape cruciale. Après la percée du laboratoire Lawrence Livermore en 2022, qui a momentanément généré plus d'énergie qu'il n'en consommait, CFS entend désormais passer à l'échelle industrielle.
Une technologie révolutionnaire née au MIT
CFS, spin-off du Massachusetts Institute of Technology (MIT) fondée en 2018, a développé une approche innovante de la fusion basée sur les tokamaks, des réacteurs en forme d'anneau qui utilisent des champs magnétiques puissants pour confiner un plasma surchauffé à plus de 100 millions de degrés.
L'innovation majeure de CFS réside dans ses aimants supraconducteurs à haute température utilisant de l'oxyde d'yttrium-baryum-cuivre (YBCO), capables de générer des champs magnétiques de 20 teslas. Cette avancée permet de construire des réacteurs beaucoup plus compacts que leurs prédécesseurs tout en atteignant des performances supérieures.
Leur feuille de route s'articule autour de deux projets complémentaires:
- SPARC: un réacteur de démonstration actuellement en construction à Devens (Massachusetts), qui devrait produire ses premières réactions de fusion en 2027, générant 140 MW de puissance thermique.
- ARC: le premier réacteur commercial, prévu en Virginie, qui fournira 400 MW d'électricité au réseau dès le début des années 2030 et dont la moitié sera désormais réservée à Google.
Une réponse à la soif énergétique de l'IA
L'accord entre Google et CFS intervient dans un contexte d'explosion des besoins énergétiques des data centers, propulsés par l'essor fulgurant de l'intelligence artificielle. Ces installations, particulièrement concentrées en Virginie, constituent désormais l'un des secteurs les plus énergivores au monde.
Michael Terrell, responsable de l'énergie avancée chez Google, ne cache pas les défis à surmonter: "De sérieux obstacles physiques et techniques subsistent", reconnaît-il. Mais l'entreprise a choisi d'investir massivement dans cette technologie prometteuse, participant déjà en 2021 à une levée de fonds record de 1,8 milliard de dollars pour CFS.
Le pari est clair: si la fusion tient ses promesses, Google disposerait d'une source d'énergie propre, abondante et constante, sans les intermittences des énergies renouvelables ni les problèmes environnementaux des combustibles fossiles.
Du laboratoire au réseau électrique
Le chemin vers la commercialisation reste semé d'embûches. Bob Mumgaard, PDG de CFS, évoque une "phase d'apprentissage cruciale" pour fiabiliser cette technologie révolutionnaire. Les premiers électrons issus de la fusion ne sont attendus qu'au début de la prochaine décennie.
Le réacteur ARC, dont le déploiement est prévu dans le parc industriel James River près de Richmond, promet de générer suffisamment d'électricité pour alimenter environ 150 000 foyers, avec une empreinte au sol comparable à celle d'un hypermarché, un atout majeur pour l'implantation près des zones à forte demande énergétique.
Au-delà de Google, cette initiative pourrait transformer radicalement le paysage énergétique mondial. Si la fusion commerciale devient réalité, elle offrirait une alternative crédible tant aux énergies fossiles qu'à la fission nucléaire traditionnelle.
Perspectives et impact pour l'industrie numérique
Pour le secteur technologique, confronté à des critiques croissantes concernant son empreinte carbone, la fusion représente une promesse d'avenir durable. Microsoft s'est également positionné sur ce créneau en s'associant à Helion Energy pour un projet de 50 MW dans l'État de Washington.
Dans l'immédiat, les entreprises doivent toutefois poursuivre leurs efforts d'efficacité énergétique et de transition vers les énergies renouvelables. La fusion nucléaire représente un complément idéal à long terme, capable de fournir l'énergie de base nécessaire aux infrastructures numériques.
Pour Google, ce contrat n'est pas seulement un approvisionnement énergétique: c'est un investissement stratégique dans une technologie potentiellement révolutionnaire. En soutenant financièrement le développement de la fusion commerciale, l'entreprise contribue à accélérer l'émergence d'une solution qui pourrait redéfinir notre rapport à l'énergie pour les siècles à venir.
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