Apple vs UE : bras de fer technologique et réglementaire
Apple et l'Europe s'affrontent : amendes record, fonctionnalités bloquées et iPhone menacé. Plongée dans une guerre réglementaire aux conséquences concrètes.

Le géant californien défie ouvertement les régulations européennes, allant jusqu'à désactiver certaines fonctionnalités pour les utilisateurs du Vieux Continent. Lors de la WWDC 2025, Apple a durci le ton face à ce qu'elle considère comme une menace pour l'intégrité de son écosystème iPhone.
Une confrontation née du Digital Markets Act
Le conflit s'enracine dans l'entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA) en mars 2024. Cette législation européenne cible spécifiquement les "gatekeepers" (grandes plateformes numériques contrôlant l'accès aux marchés). Apple, aux côtés de Google, Meta, Amazon, Microsoft et ByteDance, doit désormais respecter une vingtaine d'obligations et interdictions.
Pour la firme à la pomme, le choc est brutal : son modèle historiquement fermé doit s'ouvrir aux concurrents. L'App Store perd son exclusivité, tandis que l'interopérabilité avec des produits tiers devient obligatoire. Une révolution forcée qui bouleverse la stratégie d'Apple, construite depuis 2007 sur un contrôle total de l'expérience utilisateur.
Des sanctions financières qui s'accumulent
Les amendes pleuvent sur Cupertino. En mars 2024, la Commission européenne inflige 1,8 milliard d'euros de pénalité pour abus de position dominante dans la distribution d'applications musicales. Apple interdisait aux développeurs d'informer les utilisateurs de services moins onéreux disponibles hors App Store.
Puis en avril 2025, nouvelle sanction : 500 millions d'euros pour clauses abusives dans l'App Store. Ces premières amendes sous régime DMA marquent une intensification de la pression réglementaire européenne, face à un géant technologique peu habitué à plier.
L'interopérabilité, pierre d'achoppement majeure
L'exigence d'interopérabilité cristallise les tensions. En mars 2025, Bruxelles ordonne à Apple d'ouvrir iOS et iPadOS aux concurrents sur neuf fonctionnalités stratégiques : notifications, transferts via Wi-Fi direct et NFC, ou accès aux paramètres système.
Concrètement, une montre connectée non-Apple pourra interagir avec un iPhone comme le fait une Apple Watch. Les écouteurs et téléviseurs tiers accéderont aux mêmes privilèges que les produits maison. Ces changements doivent s'échelonner jusqu'en 2026.
La riposte d'Apple : résistance active et privations
Face à ces contraintes, Apple déploie une stratégie de résistance juridique et technique. La firme a déposé un recours en mai 2025, qualifiant les mesures d'interopérabilité de "déraisonnables, coûteuses et nuisibles à l'innovation".
Plus significatif encore pour les utilisateurs européens : Apple bloque certaines fonctionnalités phares. iPhone Mirroring, permettant de contrôler l'iPhone depuis un Mac, reste indisponible en Europe avec iOS 26. Apple Intelligence, l'IA générative maison, n'est arrivée qu'en avril 2025 sur le continent, après des mois de retard.
Ces privations fonctionnelles symbolisent une forme de punition collective des utilisateurs européens, pris en otages d'un conflit réglementaire qui les dépasse.
Sécurité contre ouverture : un dilemme technique réel
L'argument sécuritaire n'est pas qu'un prétexte pour Apple. Tim Cook avait prévenu dès 2023 que le DMA pourrait "détruire la sécurité de l'iPhone". La firme craint légitimement que l'ouverture forcée de son système expose les utilisateurs à des risques accrus de piratage.
Le modèle fermé d'Apple, où chaque application passe par un processus de validation strict, offre effectivement une protection supérieure contre les logiciels malveillants. Partager des données sensibles comme les notifications ou l'historique Wi-Fi avec des concurrents "avides de données" représente un risque technique réel.
Le défi pour Apple : préserver son niveau de sécurité tout en respectant les obligations d'ouverture. Un équilibre délicat qui nécessite des compromis techniques complexes.
Un marché technologique européen menacé de fragmentation
L'Europe représente environ 3% du chiffre d'affaires d'Apple, un marché que la firme pourrait théoriquement sacrifier plutôt que céder aux exigences européennes. Cette stratégie risque de créer une fragmentation du marché mondial, avec une version dégradée de l'iPhone pour l'Europe.
Ironiquement, Android, déjà majoritaire en Europe, pourrait sortir renforcé de cette confrontation. Les utilisateurs européens se retrouvent face à un choix difficile : accepter un iPhone aux fonctionnalités limitées ou migrer vers l'écosystème concurrent.
Comments ()